Après trois jours passés à Londres, nous grimpons dans un train qui nous emmène en direction de la côte sud de l’Angleterre, où nous avons prévu de continuer nos vacances. Notre première étape sera Brighton, où nous restons une journée entière avant de continuer notre route.
J’ai beaucoup aimé l’ambiance de cette ville, avec son côté cité balnéaire décontractée, où il fait bon vivre, mais également l’esprit militant qui semble y être très développé. Brighton est d’ailleurs connue pour sa scène artistique alternative, sa communauté LGBTQ+, et pour être l’un des endroits les plus vegan friendly de Grande-Bretagne – titre actuellement détenu par Norwich et Edimbourg.
On rencontre un peu partout dans la ville des messages à portée politique, notamment contre le Brexit (Brighton fait partie des rares villes du sud de l’Angleterre a s’être prononcée – largement – contre la sortie de l’Union Européenne), des tags et des banderoles prônant la tolérance et la diversité. Jusque sur les portes des toilettes publiques, en plein centre touristique, où j’ai pu lire des débats sur le véganisme, des slogans écologistes et féministes, des messages rappelant les droits des femmes trans et des lesbiennes. J’ai été touchée de voir que l’engagement social et politique n’est pas dissimulé à des fins touristiques, et fait peut-être même partie de ce que les gens viennent chercher lorsqu’ils visitent Brighton.
À notre sortie de la gare, un lundi en milieu d’après-midi, nous sommes accueillis par le soleil, le ciel bleu, et l’odeur iodée de la mer que l’on respire dès notre sortie du train. Ce soir-là, nous profitons d’une belle balade le long du front de mer, dégustons notre repas sur la plage, tout en admirant la lumière du coucher du soleil.
Le lendemain matin, toutefois, c’est une autre affaire: météo anglaise oblige, c’est sous un ciel gris et chargé de nuages menaçants que nous quittons notre appartement de location pour nous mettre en quête d’un petit déjeuner. Nous commençons par longer une nouvelle fois le bord de mer, très fréquenté lorsqu’il fait beau, presque désert ce matin-là.
Notre balade commence face à la silhouette fantomatique de l’ancienne jetée de Brighton. Les jetées de plaisance sont des constructions emblématiques des côtes britanniques; on en trouve encore aujourd’hui une cinquantaine, principalement dans le sud du pays. La majorité d’entre elles datent de la seconde moitié de l’époque victorienne, autour de 1860.
Au début du siècle dernier, Brighton comptait deux jetées: le West Pier, plus ancienne, et le Palace Pier qui est toujours ouverte de nos jours.
Construite en 1866 et agrandie au cours des cinquante années suivantes, la jetée ouest regroupait à l’époque une salle de concert et un grand théâtre aménagés dans de somptueux pavillons. La compétition avec le Palace Pier, construit en 1899, entraîne de nombreux travaux de transformation et de réaménagement pendant toute la première moitié du 20e siècle. Cela ne suffira toutefois pas à lui éviter la faillite; bien que le West Pier bénéficie de la préférence des locaux, alors que Palace Pier est davantage fréquenté par les touristes, il est peu à peu délaissé des visiteurs et commence à souffrir de difficultés financières, qui mèneront à sa fermeture dans les années 70, pour des raisons de sécurité.
Au fil des décennies, plusieurs projets de rénovation échouent, et le montant des fonds nécessaires pour assainir et réhabiliter la jetée augmente au fur et à mesure que son état se dégrade. Fragilisés par l’absence d’entretien, la structure et les bâtiments sont endommagés de manière régulière les tempêtes qui s’abattent sur la côte. En 2003, deux incendies détruisent en partie les pavillons, et les restes de la salle de concert s’effondrent un an plus tard sous l’effet de vents violents. La jetée est alors déclarée « beyond repair ».
Aujourd’hui, il ne demeure du majestueux West Pier qu’un squelette métallique et deux rangées de poteaux plantés sur la rive. La zone qui l’entoure est strictement interdite à la baignade, car trop dangereuse. Il s’agirait néanmoins toujours de l’édifice le plus photographié de Brighton, ce qui n’est pas difficile du tout à croire vu son potentiel photogénique – en particulier quand le ciel se teinte des couleurs du lever et du coucher du soleil.
Dans cette partie de Brighton, le front de mer est aménagé avec de nombreux espaces de loisirs, des terrasses de bars et des petits commerces, prisés aussi bien par les touristes que les locaux. Nous en aurons un aperçu par beau temps le lendemain, mais ce jour-là nous croisons surtout quelques promeneurs qui ne s’attardent pas sur la plage exposée au vent et à une pluie intermittente.
Après une quinzaine de minutes de marche dans les galets, cheveux au vent, nous atteignons le Palace Pier, qui abrite aujourd’hui un casino et un parc d’attraction. Il s’agit d’un lieu très fréquenté et habituellement noir de monde, ce qui n’est pas le cas avec la météo du jour.
J’ai trouvé cet endroit étrange, très kitch, un peu désuet. En ce jour gris et humide, l’ambiance festive qui transparait sur les photos et vidéos qu’on peut voir en ligne est remplacée par un sentiment un peu mélancolique, l’impression d’un lieu jadis plein de vie en train de tomber dans l’oubli. Pour moi qui n’aime pas la foule, et qui ai un faible pour ce type d’atmosphères, les conditions pour arpenter la jetée sont parfaites; je ne lui aurais probablement pas trouvé le même charme sous le soleil et envahie par les visiteurs.
Nous quittons ensuite le bord de mer et traversons rapidement les petites rues de la vieille ville – où nous nous attarderons plus tard – pour nous rendre au Pavillon Royal. Construit au début du 19e siècle à l’emplacement d’une modeste ferme, il s’agissait de la résidence de bord de mer du futur roi George IV. Ce dernier s’était pris d’affection pour Brighton et appréciait de s’y rendre aussi bien pour profiter des bénéfices de l’air marin que pour y retrouver discrètement Maria Fitzherbert, sa compagne de longue date qu’il n’avait pas le droit d’épouser car elle était catholique.
Le Pavillon Royal de Brighton est un édifice singulier, dont les dômes et les minarets évoquent davantage le Taj Mahal que l’architecture victorienne qu’on rencontre sur le front de mer et ailleurs dans la ville. Considéré comme excentrique dans le paysage anglais, le style du bâtiment s’apparente au mouvement anglo-indien, développé par la Grande-Bretagne dans les colonies indiennes pour y marquer son « influence » (sa domination quoi). Il s’agit d’un mélange d’éléments d’architecture moghole et du néo-gothique victorien, apprécié par les Britanniques de l’époque pour son côté exotique.
L’intérieur du Pavillon est réputé pour sa décoration fastueuse et éclectique, où se mélangent les inspirations indiennes et chinoises. La visite coûte £15.00 par personne. Pour notre part, malgré la météo toujours maussade, nous choisissons plutôt de nous balader dans les très beaux jardins dont l’accès est libre.
Le domaine est entretenu de manière à laisser la nature la plus libre possible, afin de préserver la biodiversité. Les pelouses bien tondues et les chemins aménagés sont donc bordées de buissons foisonnants, d’arbustes et de fleurs, derrière lesquels le pavillon joue à cache-cache. On y croise de nomreux insectes, quelques oiseaux, sûrement des écureuils si on a plus de chance que moi (mais je n’ai vu aucun écureuil pendant tout notre séjour en Angleterre, j’en déduis que soit on nous ment, soit ils me fuient).
En quittant le Pavillon Royal, nous nous engageons dans The Lanes, un des quartiers historiques de Brighton, composé d’un labyrinthe de mignonnes ruelles piétonnes dans lesquelles j’ai beaucoup aimé me balader. Ici, les rues sont décorées de guirlandes de fanions multicolores, les terrasses des des cafés et des pubs sont installées à même la rue, les bâtiments anciens côtoient de grandes fresques de street art.
En montant en direction de la gare, on accède à un autre quartier iconique du centre de Brighton, The North Laine, plus moderne, mais tout aussi intéressant. Sur un plan de la ville, le contraste entre les deux quartiers est plutôt amusant: des petites ruelles tortueuse de The Lanes, on passe à des rues qui se croisent en rectangles parfaitement géométriques. Avant d’être rattrapé par l’urbanisation et le développement du chemin de fer, cette zone était divisée en plusieurs petits terrains agricoles, ce qui peut expliquer son découpage. Au milieu du 18e siècle, les champs étaient toujours cultivés selon les méthodes de rotation des cultures héritées du Moyen Âge. Un siècle plus tard, la majorité des sentiers qui délimitaient les champs avaient été transformés en rues, et les terres cultivables remplacées par des logements bon marché et des bâtiments industriels.
Tandis que le front de mer devient un haut lieu touristique, et que George IV organise de fastueuses réceptions dans le Pavillon Royal situé non loin de là, The North Laine demeure pendant longtemps une zone misérable et insalubre, connue pour son grand nombre d’abattoirs et ses conditions de vie abominables. Ses habitants ne bénéficient ni de l’accès à l’eau courante, ni d’un système d’égouts, et la contamination de l’eau des puits par les fosses sceptiques est à l’origine de nombreuses épidémies. Certaines rues du quartier ont alors considérées comme les pires taudis de Brighton.
Il ne reste évidemment rien de tout ça aujourd’hui. Des premières actions d’assainissements sont entreprises dans la seconde moitié du 19e siècle, mais entre la fin de la seconde guerre mondiale et le début des années 1970, le quartier tombe à nouveau peu à peu dans la décrépitude. The North Laine sera sauvé de justesse d’un projet de destruction et de réaménagement extensif, et est aujourd’hui considéré comme le centre culturel et festif de Brighton. On y trouve une multitude de cafés et de pubs, des échoppes de street food (qui proposent TOUTES des options végétariennes et végétaliennes), des boutiques de seconde main, des salons de tatouage, des herboristeries bio, des papeteries, des théâtres, des musées, et une grande bibliothèque ouverte en 2005.
C’est également un quartier où on peut observer de nombreuses œuvres de street art, dont plusieurs très belles fresques qui occupent des façades entières. Je n’ai malheureusement pas pris beaucoup de photos car la pluie commençait à tomber sévèrement, mais ce chouette billet de Teatime in Wonderland donne un bel aperçu de la richesse des pièces qu’on peut voir juste dans ce quartier.
4 commentaires
Virginie
ça donne envie (même sous la pluie :-))!
Bisous
Virginie
Aline
La pluie ne m’a même pas tant dérangée – à part pour les photos, c’est pas super pratique quand l’objectif est couvert de gouttes d’eau. De toute façon quand on voyage en Grande-Bretagne on ne peut pas s’attendre à du soleil tout le temps, ça fait aussi partie du charme de ces régions-là et j’ai vraiment appris à m’en accommoder. Un bon k-way, des chaussures étanches, et tout va bien 😀 En tout cas je te confirme que Brighton est une ville très agréable et intéressante à visiter !
Bisous à toi et merci pour ton petit mot ♥︎
L&T
Malgré la pluie, les photos sont très jolies. On ressent l’ambiance vintage et cosy de Brigthon.
Marie
Oh hé bien ça y est : j’ai envie d’y aller !