Je fais une petite interruption dans le récit de mon escapade britannique pour vous emmener un peu plus près de chez moi, à Lausanne. Voilà près de deux ans que je n’avais pas remis les pieds dans cette ville où j’ai travaillé pendant les huit premières années de ma vie professionnelle.
Manque d’occasions, manque de temps… et pourtant ce n’est qu’à une petite heure de train de chez moi. Lausanne est une ville que j’ai mis longtemps à apprivoiser – ça m’a pris plus d’un an avant d’enfin m’éloigner de mon trajet gare-boulot de 5 minutes. Aujourd’hui, même si elle ne fait pas spécialement partie des villes de Suisse que je préfère, je suis toujours un peu émue d’y retourner, et ce d’autant plus que j’attendais depuis cinq ans la raison spécifique qui m’y a ramenée cet été.
Avec la publication de ce billet, c’est d’ailleurs une drôle de boucle que je boucle: il y a cinq ans, les photos que j’avais prises lors de la précédente édition de Lausanne Jardins auraient dû illustrer un des tous premiers billets de ce blog, qui était alors en fin de gestation. Mon incapacité chronique à être satisfaite de quelque chose que je crée pour moi-même a toutefois repoussé de quelques mois la date initiale que j’avais prévue pour la mise en ligne; quand j’ai enfin publié le site, Lausanne avait perdu ses jolis jardins depuis plusieurs semaines et je n’ai jamais partagé les photos que j’avais prises au cours de mes balades.
Lausanne Jardins est un événement culturel qui se déroule tous les trois à cinq ans depuis 1997, dont le but est d’interroger la place de la nature dans l’urbanisme. L’édition de 2014 était la première dont je profitais – pour être honnête je n’avais même pas entendu parlé de celle de 2009, alors que je bossais à l’époque dans une grosse entreprise de médias régionaux. J’avais adoré partir à la recherche des jardins disséminés dans l’hyper centre de Lausanne, dont les emplacements auraient été déterminés par une poignée de graines jetée sur une carte du centre ville.
Cette année, les 30 installations de Lausanne Jardins suivent la ligne de bus n°9, le long de l’axe principal qui traverse le centre ville d’est en ouest. Si on n’a pas envie de faire tout le parcours à pieds, on peut donc sans problème sauter dans un bus qui nous rapprochera de l’étape suivante. Une rame a même été spécialement décorée pour l’occasion.
Cet aspect pratique va de pair avec le seul reproche que je ferais à cette édition de Lausanne Jardins: si on choisit de marcher d’une installation à l’autre, la promenade n’est pas toujours très plaisante. La route que l’on suit est à la fois très fréquentée et très exposée au soleil, aussi bien le matin que l’après-midi. Ma première visite s’est d’ailleurs terminée de manière un peu pénible à cause de la chaleur et du soleil qui tapait fort.
Je pensais avoir le temps d’effectuer la balade complète en un après-midi, mais en comptant les déplacements, le temps passé à contempler les installations (et à prendre 1012 photos), ça n’était finalement de loin pas suffisant. J’ai donc listé celles que je tenais à voir et j’y suis retournés un matin, deux semaines plus tard. Par chance, la météo de ce jour-là s’est avérée beaucoup plus agréable, ce qui m’a permis de profiter bien mieux de ma promenade.
J’ai aimé la manière dont les jardins s’inscrivent dans l’aménagement urbain du centre de Lausanne, mettent en avant la nécessité d’accorder une place à la nature en ville et parlent de notre rapport à la terre; on les trouve dans des parcs, sur des petites places qu’ils rendent conviviales, dans des sous-voie, le long d’un trottoir ou carrément au milieu d’un carrefour. Ils attirent l’attention sur des lieux qu’on oublie de regarder, invitent à redécouvrir la ville et à perdre la notion du temps.
L’installation Micro Macro, qui occupe le petit square du chemin de Montétan, est une des premières du parcours et celle que j’ai préférée. Plusieurs dizaines de grands sacs en géotextile y ont été disposés en grappes, remplis de diverses plantes grimpantes, aussi bien des fleurs que des plants de fruits et de légumes. Au fil du temps, leurs tiges s’accrochent à une structure composées de jeunes troncs d’épicéa, dont les sommets regroupés comme les perches d’un tipi forment des petites cabanes végétales.
Quelques tables et sièges ont également été installés dans le parc et permettent de profiter de la fraicheur offerte par la végétation. J’ai passé un long moment à observer les différentes plantes, la manière dont elles s’agrippent à leur support, les insectes qui butinaient leurs fleurs. J’ai trouvé cet espace particulièrement agréable et reposant, surtout qu’il se trouve en plein quartier d’habitation et qu’il offre donc un petit oasis de verdure plus que bienvenu.
Autre coup de cœur pour La Renaissance du peuplier, installée à quelques minutes de la Place Saint-François. Au pied d’un vieux peuplier d’Italie, esseulé au milieu d’une petite place qu’occupait autrefois un véritable jardin, de larges fêlures craquellent le béton et laissent la nature reprendre ses droits. Bien que les entailles soient artificielles, et que les végétaux aient été plantés là par les concepteurs et conceptrices du projet, l’effet est saisissant. On croirait vraiment que le sol s’est fissuré sous l’effet des racines de l’arbre, en quête d’espace.
Dans un premier temps, j’ai systématiquement évité les panneaux qui expliquaient la démarche des concepteurs et conceptrices; d’une manière générale, je trouve le land art plus intéressant quand je peux d’abord observer l’œuvre sans arrière-pensée, réfléchir à ce qu’elle m’évoque, ce qu’elle me fait ressentir. Certaines d’entre elles, toutefois, m’ont davantage interpelée après avoir lu l’intention des artistes.
C’est le cas notamment du Monument des petits animaux, une des deux dernières installations du parcours, située dans le Parc Guillemin. Cet entrelacs de boudins blanchâtres, au premier abord pas des plus esthétique, est un moulage de six taupinières abandonnées qui courent sous la pelouse du parc, à plusieurs de centimètres de profondeur. Je trouve la démarche fascinante, j’aime beaucoup cette idée de mettre en lumière ce petit morceau d’un monde souterrain vaste et complexe dont on ignore l’existence.
Je termine la balade avec ces dernières images de la fillette que l’on suit au fil du parcours. Le long des murs de la ville, elle arrose et entretient les petites plantes qui y poussent de manière spontanée et nous rappellent que la nature se moque bien qu’on la qualifie d’indésirable; les herbes dites mauvaises se faufilent entre les pierres des murs qu’on érige, se frayent un chemin au milieu de nos constructions bétonnées – et peut-être qu’elles finiront par reprendre le dessus sur nos civilisations déconnectées du monde végétal.
4 commentaires
juliette
Magnifique cet article j’adore
Aline
Merci beaucoup ! 🙂
virginie
J’adore l’association de l’illustration murale avec les plantes 🙂
Merci pour cette découverte!
Bisous
Virginie
Rodolphe
Top. Habitant Lausanne j’avais manqué la moitié des installations. Merci pour ce très chouette article et ces magnifiques photos !